jeudi 30 juillet 2009

L’appréhension des minorités par le droit public français


Olivia BUI-XUAN

Maître de conférences en droit public


Résumé de la communication

Depuis les années 1980, le droit public français a pris de la distance avec sa tradition universaliste : en dépit de décisions du Conseil constitutionnel rappelant l’ignorance par le droit public d’un quelconque droit des groupes, certaines minorités sont aujourd’hui conçues comme de véritables catégories juridiques ; elles ne sont donc plus exclusivement renvoyées à la sphère privée.

Cette gestion juridique des minorités est susceptible de relever de deux logiques bien distinctes : la reconnaissance d’un droit à la différence ou, au contraire, l’affirmation d’un droit à l’indifférence, dans une perspective d’égalité réelle. Pour chacune des mesures s’inscrivant dans ces politiques, on se demandera si le droit public accorde des droits individuels aux membres des minorités ou de véritables droits des groupes aux minorités elles-mêmes.

Minorités nationales et représentations garanties : la dialectique unité – diversités dans les PECO



Marie-Laure Basilien-Gainche
Maître de conférences en droit public
UFR d'études européennes
EA 2291 Intégration et coopération dans l'espace européen ICEE
Université Paris 3 Sorbonne Nouvelle

Résumé de la communication

Différentes méthodes de représentations des minorités nationales sont appliquées dans les enceintes législatives de certains Etats européens. Ce sont particulièrement les Etats d’Europe centrale et orientale, singulièrement les Etats des Balkans qui cherchent à promouvoir ainsi la participation aux institutions de personnes appartenant à des minorités, à prévenir ainsi les conflits internes. Par conséquent, n'y est pas retenue la conception traditionnelle en vigueur dans la plupart des systèmes politiques selon laquelle tout citoyen est considéré comme membre du corps politique et est donc appelé à participer à la sélection des représentants et des gouvernants, sans que soient prises en compte sa communauté historique d’appartenance. Dans le délicat équilibre à trouver entre unité et diversité, ces Etats tendent à accorder une attention sur les particularités de ses composantes, sur les spécificités de ses minorités. Les règles du droit électoral prévoient en effet de réserver certains sièges de la chambre basse du Parlement aux minorités nationales, ou de déroger au seuil électoral pour permettre aux minorités d’avoir des représentants à la chambre basse, ou d'accorder aux minorités le droit de se constituer engroupes parlementaires et/ou enpartis politiques. Néanmoins, certains régimes, au nom de la préservation de l'unité nationale, se refusent à admettre de tels dispositifs: les Etats baltes ne veulent pas reconnaître de représentation à leurs minorités russophones. Cela n'est d'ailleurs pas pour plaire à la Commission de Venise pour la démocratie par le droit :qui attache une grande imposrtance aux droits des minorités et à leur respect.

mercredi 29 juillet 2009

La HALDE et l’universalisation de la lutte contre les discriminations

Vincent-Arnaud Chappe

Doctorant ISP-ENS Cachan,


Titre de la communication


« L’abstraction universalisante du droit » au service de la topique anti-communautariste : la création de la HALDE et l’universalisation de la lutte contre les discriminations.


Résumé de la communication


A partir d’une étude sur la création de la Haute Autorité de la Lutte contre les Discriminations et pour l’Egalité (HALDE) dans une perspective généalogique, cette communication se proposera de montrer comment en France, la prégnance de la topique anti-communautariste dans l’espace public associée au potentiel universalisant du droit ont contribué à forger un modèle spécifique de lutte contre les discriminations où la figure minoritaire est évacuée, au profit de la création d’une image de la victime comme individu générique. Cette figure « universelle de la victime » sans traits spécifiques de vulnérabilité permet alors tout à la fois de respecter la grammaire universaliste des arènes politiques françaises tout en assurant une jonction des causes minoritaires apaisant – au moins de façon provisoire – les conflits entre représentants des groupes les plus susceptibles de connaître la discrimination.




lundi 27 juillet 2009

Jeux et enjeux de la qualification des populations minoritaires en Lettonie


Pascal Bonnard

Doctorant au CERI – IEP de Paris

pascal.bonnard@sciences-po.org


Titre de la communication


Colons, vraies ou fausses minorités, immigrés... Jeux et enjeux de la qualification des populations minoritaires en Lettonie suite à l'introduction du droit européen sur les minorités


Résumé de la communication



À partir d'une étude des prises de position exprimées par les députés du Parlement letton lors des débats relatifs à la ratification de la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales, cette communication interroge la façon dont le droit est mobilisé dans les luttes de (re)définition des minorités et de leur statut au sein de la nation. L'introduction en Lettonie du droit européen sur les minorités a permis aux autorités de formaliser une hiérarchisation des populations minoritaires. Mais les représentants déclarés des minorités se saisissent aussi de ce droit afin de promouvoir leur cause, les normes européennes faisant office d'instruments dans le combat qu'ils se livrent pour le monopole de la représentation politique de ces populations. Et à cette occasion, des définitions divergentes de la catégorie « minorités », conformes ou rivales de celle établie par les autorités, sont avancées. L'introduction du droit européen a par conséquent attisé une concurrence au sein des porte-parole des minorités tout en leur élargissant leurs moyens d'action.

Luttes de reconnaissance des « minorités visibles » en France et en Allemagne


Soline Laplanche-Servigne

Doctorante – IEP de Paris


Titre de la communication

Luttes de reconnaissance des « minorités visibles » en France et en Allemagne : combat politique contre le racisme ou combat de droit contre les discriminations ?

Résumé de la communication

A partir d’une enquête portant sur quatre mouvements d’action collective, français et allemands, animés par des acteurs mobilisés « en tant que victimes » de racisme et/ou de discrimination raciale, il s’agira d’analyser comment s’imbriquent dans leur action « lutte contre le racisme » et « lutte contre la discrimination raciale ». Une dissociation est souvent opérée dans la littérature en sciences sociales entre la lutte contre le racisme définie comme combat politique (et souvent moral) et la lutte contre les discriminations raciales, définie comme combat de droit (et dès lors présentée comme plus objectivable). Néanmoins, aborder cette distinction du point de vue des luttes de reconnaissance de « victimes activistes » invite à en réinterroger les frontières et les significations, au regard notamment des transformations de la « norme antiraciste » en Europe. Nous nous poserons ainsi la question des capacités que les victimes mobilisées attribuent au droit comme outil de reconnaissance, et du rôle des législations antiracistes dans les modes de légitimation de leurs mobilisations.

Minorités et réclamations de l'égalité en droit : répertoires d'arguments et répertoires d'actions


Juliette Rennes

Maître de conférences à l'Université Lyon2, Institut de la Communication

Chercheuse à l'Institut Marcel Mauss.


Résumé de la communication

Cette communication s'appuie sur la confrontation de trois controverses suscitées en France par des demandes d'égalité en droit depuis le dernier tiers du 19e siècle : la controverse sur l'accès des femmes aux droits professionnels et politiques réservés aux hommes jusqu'à la fin de la Troisième République, et les controverses contemporaines sur l'accès des étrangers résidents à ces mêmes droits et l'accès des couples de même sexe à l'union légale et à la filiation. Alors que, pour des raisons différentes, les défenseurs contemporains des minorités nationales et sexuelles érigent la controverse antérieure sur l'égalité des sexes en précédent fondateur pour leurs propres revendications, l'objectif est alors de comprendre comment des distinctions en droit, auparavant perçues comme justifiées, basculent dans la catégorie de discriminations injustes, et d'analyser, dans leurs évolutions et leurs reconfigurations depuis le dernier tiers du 19e siècle, les régimes argumentatifs mobilisés pour dénoncer ou préserver des inégalités.

L’usage des lois visant à lutter contre les discriminations raciales en France : genre et citoyenneté


Isabelle Carles

Docteur en droit, Chargée de recherche au METICES-GEM (Groupe d’études et de recherches «Genre et Migration»), Institut de Sociologie – ULB, Bruxelles


Résumé de la communication

L’objectif de la communication est d’évaluer l’effectivité des lois visant à lutter contre les discriminations raciales à partir du point de vue du sujet et dans une perspective de genre.

L’hypothèse principale est que les femmes et les hommes utilisent le droit de manière différente lorsqu’ils sont confrontés à une discrimination raciale, parce qu’ils développent différentes représentations du droit et ont des expériences différenciées de la discrimination. De plus, les rapports sociaux de sexe, de classe et ethnique ont un impact tant sur la perception de la discrimination raciale que sur le traitement institutionnel des plaintes. Des méthodes quantitatives (analyse de dossiers de plainte) et qualitatives (entretiens avec des juristes et des plaignants) sont utilisées pour parvenir à analyser les différences par genre à trois niveaux : celui de l’expérience genrée de la discrimination raciale, celui de l’utilisation des ressources, celui du traitement genré des plaintes par les institutions.

Les néoconservateurs Noirs américains face à l’affirmative action


Délia Lacan

Doctorante en Civilisation américaine, Université « François Rabelais » Tours

Laboratoire de recherche : le GRAAT (Groupe de Recherche Anglo - Américaine de Tours)


Résumé de la communication

Le groupe des néoconservateurs Noirs américains, « minorité au sein d’une minorité », se légitime d’une part par des caractéristiques qui réunissent les traits d’une identité politique ou politisée (black Republican), d’autre part en fonction d’une identité qui émerge par rapport au groupe d’origine, sous la forme d’un écart (dissent) des principes, des normes et des valeurs partagées par la communauté noire. En ce sens, leur mobilisation contre le système des préférences raciales garanti par les programmes de l’affirmative action est exemplaire. Les néoconservateurs Noirs font recours au droit pour obtenir gain de cause dans la plaidoirie nationale pour la reconnaissance d’une norme constitutionnelle représentée par la color blindness. Leur alliance avec les conservateurs Blancs creuse davantage les écarts entre les néoconservateurs Noirs et leur communauté d’origine.

La juridification, une autre approche de la saisie du droit par les minorités ?


David Paternotte

Docteur en sciences politiques

Chargé de recherche du Fonds national de la recherche scientique

Université libre de Bruxelles (Metices-CSP, Institut de Sociologie)

Jesus College Cambridge

david.paternotte@ulb.ac.be


Résumé de la communication

Cette communication explore les différentes facettes de la notion de juridification, qui désigne le caractère matriciel acquis par le droit pour les mouvements sociaux sans que ceux-ci n’aient nécessairement recours aux cours et tribunaux. Ce texte se base sur l’exemple de la revendication de l’ouverture du mariage aux couples de même sexe en Belgique, en France et en Espagne. Il souligne en quoi ce rapport au droit rompt avec des formes antérieures d’action collective au sein des mouvements gays et lesbiens et discute plusieurs causes possibles de cette transformation.

Le droit, un outil efficace pour l’émancipation des femmes au sud ?


N’Diaye Marième

Doctorante en science politique, allocataire de recherche et monitrice à l’IEP de Bordeaux, CEAN (centre d’études sur l’Afrique noire).


Titre de la communication :

Le droit, un outil efficace pour l’émancipation des femmes au sud ? Le cas de l’action des organisations féminines pour la promotion du statut de la femme dans le code de la famille sénégalais.

Résumé de la communication

La promotion de la condition féminine constitue l’une des priorités des bailleurs de fonds et s’inscrit dans l’agenda politique de la plupart des pays en développement. Cependant, tous les aspects de cette promotion ne font pas l’objet du même engouement. Le cas du Sénégal permet de montrer que les impératifs de développement, le manque d’appropriation de l’outil juridique par les populations et le poids de la religion musulmane ont contribué à marginaliser le droit comme répertoire d’action. Ainsi, 36 ans après son entrée en vigueur, le droit de la famille n’a jamais été réformé malgré les nombreuses revendications des associations féminines en ce sens. Seulement, les avancées enregistrées dans d’autres domaines n’ont fait qu’accroître le hiatus entre réalité juridique et réalité sociale d’où une relance du débat.

Le droit, réhabilité par les entrepreneurs de cause, peut-il constituer un outil pertinent pour la promotion du statut de la femme au Sénégal ? Nous tâcherons d’apporter des éléments de réponse à cette question en étudiant les modes d’appropriation du droit par la société civile afin d’évaluer l’impact de son utilisation sur le terrain (conscientisation des femmes) d’une part, et sur le plan juridique (réformes, harmonisation) d’autre part.